Les biocarburants en Afrique : état des lieux


Devant l’intérêt mondial accru pour les biocarburants, l’Afrique considéré comme le poumon mondial de la production de matière première risque de subir de profondes mutations. Cette situation soulève la question de savoir quelle sera la nature de l’impact du développement des biocarburants sur les terres humides d’Afrique et les personnes qui y vivent.

Les réponses à cette question ont pour but d’améliorer notre perception de ce développement en apportant des réponses aux questions suivantes :

  1. Quelle sera la demande probable de biocarburants cultivés en Afrique ?
  2. Quels biocarburants ont des chances d’être les ‘gagnants’ dans le contexte africain ?
  3. Quelles aires en Afrique vont probablement devenir des aires d’expansion des biocarburants ?
  4. Quelles peuvent-être la nature et l’ampleur des impacts de l’expansion des biocarburants en Afrique ?

Les effets tant environnementaux que sociaux de la production de biocarburants sur les zones humides et les communautés qui en dépendent devront être évalués et une attention particulière sera portée sur les effets négatifs comme positifs.

Cette évaluation est basée sur la demande attendue de matières premières identifiées à partir d’hypothèses basées sur le pourcentage de consommation africaine de combustible dérivée des biocarburants. Mais la réponse à la question de savoir quelle matière première a le plus de chances d’être utilisée pour produire des biocarburants passe par une analyse qualitative. Les éléments qui déterminent la probabilité qu’une culture devienne une matière première destinée à la production de biocarburants à grande échelle sont :

  • Les coûts de production
  • Le rendement énergétique à l’hectare
  • La connaissance de méthodes de culture et de production
  • L’adaptabilité aux conditions naturelles
  • Le potentiel de stockage

Le jatropha n'a pas été à la hauteur des espoirs insensés qu'il avait suscités, mais les biocarburants de 2è et 3è générations sont encore loin d'être au point --- © Center For International Forestry Research/Jeff Walker
Qu’est-ce que la bioénergie?

La biomasse est une source d’énergie majeure en Afrique subsaharienne. Elle est utilisée sous forme de bois de chauffe, de charbon et de résidus pour la cuisson, le chauffage et les petites industries. D’après les analystes, la demande de bois de chauffe devrait augmenter de 47% d’ici 2020.

La bioénergie moderne est définie comme la conversion et l’utilisation de la biomasse à une plus grande efficience sous forme de vecteurs d’énergie – électricité, combustibles liquides ou gazeux et chaleur industrielle.

L’éthanol et le biodiésel sont principalement utilisés comme biocarburants destinés aux transports. L’éthanol est un substitut de l’essence et le biodiésel peut remplacer le diésel. Un litre d’éthanol a un potentiel énergétique d’environ 75 %, comparé à l’essence ; un litre de biodiésel contient 85 % d’un litre de diésel classique. L’éthanol est le biocarburant le plus important en termes de volume, représentant plus de 85 % de la production mondiale de biocarburants.

Etant dérivés directement des sucres, amidons ou huiles végétales, l’éthanol et le biodiésel sont souvent appelés biocarburants de la première génération. Les scientifiques partout dans le monde sont en train de mettre au point des biocarburants de la deuxième génération, qui sont des liquides à base de matériel lignocellulosique. Ces carburants pourraient offrir plus d’avantages environnementaux dans la mesure où ils peuvent être dérivés de déchets agricoles et de déchets ligneux, et ne sont pas en compétition avec la chaine alimentaire humaine pour ce qui est des facteurs de production. Il est cependant peu probable que ces biocarburants de la deuxième génération deviennent compétitifs par rapport à ceux de la première génération d’ici 2020, à cause de leur prix de revient beaucoup plus élevé.


Incertitudes concernant la demande de biocarburants africains

La production et l’utilisation de la bioénergie moderne sont actuellement limitées en Afrique. Cela contraste nettement avec le potentiel technique de production de nombreux pays africains. La biomasse dans les pays tropicaux et sous-tropicaux est cinq fois aussi productive que dans les climats non tropicaux en termes d’efficacité photosynthétique, et il semble y avoir une offre abondante de terre et de main-d’œuvre à un coût abordable. Les matières premières représentent 80 % des coûts de production des biocarburants, et donc, l’Afrique pourrait avoir un avantage concurrentiel non négligeable en tant que producteur de biocarburants. En conséquence, l’Afrique est souvent mentionnée comme un futur poumon de la production de cultures énergétiques et de biocarburants. Ce développement a été jusqu’ici freiné par un climat d’investissement peu attrayant et une infrastructure peu développée. Les marges bénéficiaires potentielles ne sont pas suffisamment élevées pour justifier les risques de surcroît accentués par l’instabilité politique et le comportement politique incohérent de la part de certains gouvernements africains. Cette situation pourrait changer à mesure que les marchés européens, américains et chinois demandent plus de biocarburants, ou une fois que les pays africains s’embarqueront dans une politique de remplacement des importations de combustibles fossiles liquides.

Cependant, déterminer la demande future de biocarburants cultivés en Afrique est une entreprise complexe, qui dépend fortement des facteurs politiques et des conditions du marché. Les principales incertitudes sont :

  • L’importance et l’application des politiques en matière de biocarburants
  • Les politiques commerciales et agricoles
  • La compétitivité de la production africaine de biocarburants

Politiques en matière de biocarburants

Les pays qui affichent à ce jour les plus fortes ambitions en matière de biocarburant sont les Etats-Unis, le Brésil et l’Union européenne. Ils sont suivis du Japon, de la Chine et de nombreux autres pays. La plupart des gouvernements africains se sont abstenus jusqu’ici d’appliquer des politiques ambitieuses en matière de biocarburants, bien qu’ils prêtent de plus en plus attention à cette opportunité.

L’Agence internationale de l’énergie prévoit une demande intérieure de biocarburants africains d’environ 3,5 Mtep (Millions de tonnes équivalent pétrole) en 2030 (c’est-à-dire, environ 2 milliards de litres). Peu de pays africains ont à ce jour de politiques en matière de biocarburants. Le Malawi est le seul pays, avec le Brésil, à avoir continuellement mélangé l’éthanol sur une base nationale pendant plus de vingt ans. L’Afrique du Sud qui est l’économie la plus développée en Afrique subsaharienne et le Nigeria sont aussi en train de stimuler les biocarburants. La plupart des pays africains sont encore en train d’étudier les opportunités que présentent les biocarburants.

En tenant compte des contradictions du continent africain, il est très difficile de prévoir la demande de biocarburants africains et donc, la production de biocarburants en 2020. Dans une tentative de mieux appréhender l’ampleur et les possibles implications de l’augmentation de la demande de biocarburants africains, deux scénarios d’une complexité limitée ont été élaborés. Il s’agit du scénario de substitution des importations et du scénario axé sur les exportations.


Les biocarburants sont produits à partir de matières végétales, appelées également biomasses. Ils proviennent notamment de l'agriculture et de la sylviculture. © belchonok/123RF

La demande mondiale de biocarburants liquides est en rapide augmentation. La flambée des prix du pétrole et les politiques en matière de biocarburants font des combustibles dérivés de cultures énergétiques une alternative viable aux combustibles fossiles. L’éthanol et le biodiesel sont essentiellement produits dans les marchés de consommateurs et le commerce international de biocarburants est limité.

La production de biocarburants pour remplacer les combustibles fossiles importés pourrait profiter à l’Afrique, notamment avec la flambée des prix du pétrole. Cependant, peu de gouvernements africains ont déjà des politiques de biocarburants, bien qu’ils soient nombreux actuellement à envisager de telles politiques. En dehors de l’Afrique du Sud et du Nigeria, la substitution partielle des importations dans les pays africains n’entraînerait pas une augmentation de la demande d’éthanol ou de biodiésel de ces pays.


 

Synthèse du Pr. Adams TIDJANI —- A partir du rapport de Wetlands International
Sven Sielhorst, Jan Willem Molenaar, Don Offermans